La délicatesse des rêves (French Edition) by Amaury Dreher

Auteur:Amaury Dreher [Dreher, Amaury]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2020-06-14T22:00:00+00:00

Le soleil avait tiré sa révérence et l’air était désormais frais. Nous parcourûmes les ruelles à pieds, profitant des odeurs de narguilés qui s’échappaient çà et-là. De la musique résonnait et des effluves de viande grillée nous parvenaient. Je me sentais en Orient bien plus dans ces ruelles qu’à Beyrouth.

Nous passâmes devant la grande mosquée Al-Nouri. Rami s’attachait à m’expliquer la complexité historique et culturelle du Liban. Ainsi, Tripoli était plus conservateur que les autres villes du pays. On y trouvait des madrasas, ces écoles coraniques fondées essentiellement par les Mamelouks. Ici, la population était à majorité sunnite, mais comme le reste du Liban elle se caractérisait par une importante mixité culturelle et religieuse. Les femmes étaient davantage voilées qu’à Beyrouth. Des islamistes sympathisants de Daech se trouveraient toujours disséminés dans certains quartiers et une recrudescence des violences n’était pas à exclure. La frontière était toute proche et le conflit syrien avait débordé en 2014 provoquant avec lui un afflux de réfugiés. Autrefois des hôtes pendant la guerre civile, les Syriens étaient maintenant devenus une plaie pour les Libanais en raison de l’arrivée de main d’œuvre bon marché et de la concurrence accrue sur le marché du travail. Toutefois, à Tripoli, l’atmosphère me semblait plutôt calme et détendue. La présence de l’armée libanaise dans les rues me paraissait même plus restreinte que dans la capitale ainsi qu’à Tyr. Le gouvernement craignait plus l’ennemi israélien que les islamistes.

Tripoli avait été relativement épargnée par la guerre civile et les bombardements israéliens. Durant notre marche, les ruines que nous rencontrâmes étaient principalement dues au manque d’entretien et à l’abandon de certaines maisons.

Le patrimoine architectural était riche. À l’est, le château Saint-Gilles surplombait la cité. Fier de ses 800 ans d’âge, il rappelait aux habitants son passé chrétien et l’influence des croisades. La ville avait été ciselée par l’Histoire et fut occupée par d’innombrables peuples que ce soient les Tyriens, les Sidoniens ou les Aradiens. Ainsi, Tripoli fut l’objet de multiples conquêtes. Après les Byzantins, ce furent les Arabes qui dominèrent la ville jusqu’à ce que les Ottomans s’en emparassent au XVIe siècle avant finalement l’arrivée des Italiens au siècle dernier. Durant le Moyen-âge, Tripoli était l’un des principaux pôles économiques de la région. Pendant de longues années, elle fut spécialisée dans le commerce d’étoffes. On y venait de Grèce, d’Espagne et du Maghreb pour y dénicher des camelins et de la soie. Aujourd’hui, Tripoli était plutôt réputée pour les pâtisseries et le savon qui n’avaient d’équivalent nulle part ailleurs.

Aux alentours de la cité phénicienne s’étendaient des oliveraies, des orangers et des cultures de tabac.

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